Vallée Sacrée et cordillère de Vilcanota
Cordillère de Vilcanota
Mardi 18 septembre 2018
Après un arrêt à Urcos pour faire quelques provisions supplémentaires en vue de notre prochain trek, le minibus repart en empruntant la route transocéanique, long ruban d'asphalte reliant l'océan Pacifique à la côte atlantique du Brésil. Une longue montée et nous voici au col d'où s'offre à nous une jolie vue sur la Cordillère Vilcanota et son sommet emblématique, l'Ausangate.
Il nous faut encore faire quelques kilomètres et atteindre Ocongate pour voir ces sommets enneigés de plus près. Promesse de jours de beauté paysagère.
Peu après Mallma, nous retrouvons les trois muletiers qui nous accompagneront dans ce trek. Sac, tente, et bouteilles de gaz chargés sur la quinzaine de mules, nous faisons nos premiers pas à 4100 mètres d'altitude sur les coups de midi. Le soleil est là, le ciel bleu est tacheté de nuages blancs. Il fait beau, nous sommes en tee-shirt.
Passé la première ferme, nous rejoignons un sentier longeant une rivière. Par endroit, des alpagas paissent la maigre herbe jaunie ballottée par le vent. Le sommet enneigé du Callangate nous fait face, la pointe immaculée de l'Ausangate niché derrière lui.
Plus loin, il faut traverser à plusieurs reprises le cours d'eau à gué dans cette vallée de plus en plus large. Les nuages se sont assombris, densifiés, le vent est monté. Le temps change.
Les berges de la laguna Singrenacocha, à deux pas de notre campement
Une épaule rocheuse et la laguna Singrenacocha offre ses eaux bleues à nos regards. Nous longeons la rive sud par un sentier à flanc, seuls au monde. Bientôt, quelques coups de tonnerre se font entendre. Nous pressons le pas, ou plutôt nous faisons ce que nous pouvons : nous sommes à 4300 mètres, pas question de piquer un sprint !
Le camp est installé à la pointe d'une petite avancée, presque au bout du lac. Les premières gouttes de pluie tombent au moment où nous nous glissons sous la tente.
Mercredi 19 septembre 2018
L'orage de cette nuit a laissé place à un ciel bleu ponctué de nuages blancs.
Passé une petite maison de berger, le sentier oblique vers le sud au milieu d'une végétation rase ponctuée de petites fleurs jaunes. Alors qu'il s'élève plus franchement, la face du Callangate se dévoile un peu plus.
Au col Chullucucho (4730 m), la crête sur la gauche est trop tentante. Le temps que le groupe arrive, je m'y aventure. Là-haut, des vigognes fuient à mon approche tandis que je prends des photos des montagnes enneigées.
Premiers regards sur l'Ausangate
Nous reprenons la route. Sur un faux plat, le sentier contourne une chaîne de montagnes dépourvue de neige avant que ne se dévoile le sommet de l'Ausangate. Mais ce qui monopolise les regards est le Callangate et ses voisins avec leur trois glaciers suspendus. Sublime beauté. Séquence émotion.
Panorama sur le Callangate et l'Ausangate
Un peu plus bas se niche la Laguna Armacocha aux eaux grises laiteuses que le sentier contourne pour plonger dans une large vallée dans le fond est occupé par des enclos de pierre sèche pour garder les troupeaux d'alpagas. Cette vallée en rejoint une autre, transversale, que nous traversons pour entamer l'ascension de son versant opposé. Cette montée au col Puca Orjo est plus courte mais plus pentue que la première ascension de la journée.
Le temps s'est franchement couvert. Des coups de tonnerre résonnent sur la montagne. Au col (4700 m), je m'aperçois que la semelle de ma chaussure droite se décolle franchement. Il va falloir que je termine ce voyage avec mes chaussures basses...
Semelle complètement décollée, la suite du voyage va être moins confortable...
La descente au village de Pacchanta se fait sous le grésil. À notre arrivée au camp, nous allons nous détendre dans les eaux de la source chaude face à l'Ausangate dont le sommet accroche les nuages. Avant que le soleil ne disparaisse derrière les montagnes, il teinte le seigneur des lieux d'une jolie lumière dorée.
Jeudi 20 septembre 2018
Quatre heures trente éprouvantes. C'est le temps qu'il aura fallu pour couvrir les onze kilomètres jusqu'au col Jampa (5050 m).
Retour en arrière. Nuit difficile. Problème pour digérer, position inconfortable du fait du terrain en pente. Bilan, au réveil, très petite forme.
Le sentier est délimité de chaque côté par de petites pierres. Face à nous, la magnifique face de l'Ausangate. Je savoure le paysage malgré la nausée qui me taraude.
Laguna Comercocha et Ausangate
Bientôt se découvre la laguna Comercocha et d'autres encore. À main gauche, les sommets acérées du Puca Punta laissent voir de superbes glaciers sous un ciel bleu. L'arrivée au col paraît interminable. Je n'en vois pas le bout, prêtant à peine attention aux vigognes qui vivent en ces lieux sauvages.
Enfin, un groupe de cairns indique que nous y sommes. Bref moment de répit pour reprendre des forces, grignoter des barres de céréales, avant de repartir.
La descente vers le camp se fait sous un ciel très couvert qui laisse tomber du grésil et laisse échapper quelques coups de tonnerre. Le repos sous la tente est plus que bienvenu.
Vendredi 21 septembre 2018
La nuit fut reposante mais fraîche. Deux degrés dans la tente au réveil, du givre partout dehors. Physiquement ça va mieux. Les nausées d'hier ne sont plus qu'un désagréable souvenir.
Le programme de la journée est modifié en raison de la présence de braconniers de vigogne dans les montagnes. Ce sont des bergers qui ont prévenu Robinson et, par mesure de sécurité, il nous fait contourner le Cano Punta par un sentier s'élevant doucement au milieu des troupeaux d'alpagas. Nous avons de superbes vues sur le Pico Tres qui se dresse en fond de vallée face à notre ancien campement, puis sur la face est de l'Ausangate et ses satellites.
Un petit lac offre un joli jeu de miroir avec des pics enneigés et l'occasion d'une petite pause pour grignoter quelques victuailles.
Jeu de miroir sur les pics enneigés
Notre campement est atteint après trois petites heures de marche. Avant de prendre le repas, nous partons faire un petit sommet à 4900 mètres, au-dessus du camp. L'ascension est assez aisée, même s'il n'y a pas vraiment de sentier. Comme chaque jour, le temps se couvre et, à 14h20, à l'abri sous nos tentes, nous entendons la grêle crépiter sur la toile. L'orage dure quarante minutes, laissant une couche blanche d'environ un centimètre et un ciel plombé.
Samedi 22 septembre 2018
Nous partons avec du retard car Bernard se sent mal et fait un passage par le caisson hyperbare avant d'être évacué sur Cusco, ses problèmes de dos ne lui permettant pas de monter sur la mule pour rejoindre notre prochain bivouac.
Lever de soleil sur l'Ausangate
Un joli lever de soleil sur l'Ausangate en dépit des nuages, et nous voilà partis. Nous cheminons sur la neige, un centimètre environ, remontant la vallée qui oblique sur la droite pour finir dans un vaste cirque. Le sentier s'élève alors plus franchement, se faufilant le long des parois.
La forme est plutôt moyenne pour moi mais le rythme convient. Je profite des lieux tout en gérant mon effort.
Le col du Condor est atteint sans grand problème. À 5200 mètres d'altitude, c'est le point culminant de ce trek. La vue y est belle malgré le temps maussade. Au loin, en direction de l'est, un immense glacier couvre les montagnes, formant une véritable calotte glaciaire.
Troupeau de vigognes
Le sentier descend un peu cheminant à flanc puis grimpe à nouveau pour franchir un second col, côtant lui aussi une altitude de 5200 mètres. Ensuite vient véritablement la descente dans une large vallée au milieu de vigognes peu farouches.
La laguna Sibinacocha est en vue mais il faut encore marcher plus d'une heure avant d'atteindre le campement installé à proximité du lac, à 4880 m d'altitude.
Dimanche 23 septembre 2018
La laguna Sibinacocha est plus grande qu'on ne pourrait le penser. Le contournement de sa pointe septentrionale depuis le campement jusqu'à la moraine du Chumpe est bien plus long que je l'avais envisagé. C'est l'occasion de passer au milieu des troupeaux d'alpagas, d'observer des oiseaux en contrebas du lac : oies, foulques, flamants...
Les neiges du Chumpi au bout de la laguna Sibinacocha
Passer la moraine implique de traverser plusieurs cours d'eau à gué. Pas de grandes difficultés, un petit peu d'aventure tout de même.
Depuis l'autre rive, la vue est magnifique sur la laguna. Les eaux laiteuses des ruisseaux se mêlent à celle du lac, lui donnant des teintes variant du vert au bleu. Nous sommes toujours aux alentours de 4900 mètres d'altitude, quasiment seuls au monde si l'on excepte un ou deux bergers.
Alpagas
Un peu plus loin, nous nous enfonçons dans une vallée perpendiculaire orientée nord-est. Le col Yayamari (5050 mètres) se trouve un peu plus loin, après deux faux plats. Le sentier ? Pas de sentier ! Nous traçons nos lacets à notre bon vouloir dans l'herbe rase jaunissante ou nous suivons les pistes des alpagas.
Du col, la vue est superbe sur une série de montagnes couvertes de glaciers avec le nevado Ambroja en chef de file. Sur la droite, je devine la laguna Ccasccana où se trouve notre camp.
Reflets dans la laguna Ccasccana
Il est idéalement placé sur la rive, à 4910 mètres d'altitude, avec un splendide panorama, les sommets enneigés se mirant dans les eaux pures à peine perturbées par le vent. Un vrai régal pour le photographe ! À quelques dizaines de mètres de là, quelques flamants roses se nourrissent dans les eaux froides du lac.
Lundi 24 septembre 2018
5h35. Je mets la tête hors de la tente. Espoir d'un joli lever de soleil embrasant les montagnes de l'autre côté du lac. Espoir déçu. À voir la température dans la tente, 5°C, j'aurais dû comprendre que cette nuit pas si froide était de mauvais augure. Une épaisse couche de nuages gris occupe tout le ciel.
Nuages sur la laguna Ccasccana
Nous quittons le camp par un vague sentier s'élevant le long du lac. Il y a là de nombreux alpagas, des troupeaux parfois gardés par des chiens plus ou moins agressifs et menaçants.
Si, face à nous, le ciel toujours aussi plombé, derrière, les montagnes se dégagent un peu. L'occasion d'une dernière photo de la cordillère Vilcanota.
Le vent froid et assez fort nous pousse toujours plus hors des sommets enneigés. Une piste toute récente a remplacé le sentier sur quelques kilomètres. Nous la laissons pour tracer dans une vallée large et assez plate. Le paysage présente bien moins d'intérêt que les jours précédents, surtout sous cette lumière terne. Par moment, des troupeaux de vigognes s'offrent à nos regards. Il s'agit toujours de groupes de moins d'une dizaine d'individus qui s'enfuient à notre passage.
Nous n'avons quasiment perdu aucune altitude, navigant aux alentours de la ligne de 4900 mètres. Il nous faut apercevoir le village de Phinaya au détour d'un virage pour que le sentier descende enfin un peu. Sous les flocons de neige, nous arrivons peu après à notre camp entre l'école et le terrain de foot (4710 m).
Préparation de la pachamanca
Ce soir, notre cuisinier prépare une Pachamanca. Des pierres sont positionnées de façon à former une sorte de four où un brasier est allumé. Quand l'ensemble est bien chaud, les pierres sont écroulées sur les braises, parsemées de morceaux de viande et de légumes, avant d'être couvertes d'une bâche et de terre pour une cuisson à l'étouffée pendant une bonne demi-heure. Après, c'est la dégustation... Un vrai régal avec une viande d'alpaga tendre et savoureuse. Belle fin de trek !