Canal des deux mers
De Toulouse à Sète
Vendredi 3 juillet 2020 : Toulouse - Castelnaudary (78 km)
Nous quittons Toulouse par le canal de Bienne puis celui du Midi qui a pris le relais du canal latéral à la Garonne.
Toulouse, le dôme de la Grave
Passé la gare, la piste cyclable devient particulièrement agréable. En une grosse dizaine de kilomètres, la Ville Rose est derrière nous. Devant, une piste en bon état bordée de platanes longe le canal où les péniches d'habitation sont légion. Nous croisons plus de promeneurs et de cyclistes que le long du canal de la Garonne. Il faut dire que l'environnement est bien plus intéressant. Les écluses fleuries se succèdent. L'autoroute n'est jamais très loin, son tracé épousant plus ou moins celui du canal, mais le bruit de la circulation n'est à aucun moment gênant.
Écluse sur le canal du Midi
À l'écluse de Gardouch, nouvelle escapade en dehors du parcours cyclable pour passer à Villefranche-de-Lauragais où se tient le marché, l'occasion de faire le plein de victuailles avant de revenir pique-niquer à l'écluse.
Le soleil et une température agréable accompagnent nos coups de pédales, les kilomètres défilent. Arrive bientôt l'écluse de l'Océan et le seuil de Naurouze, point le plus haut du canal du Midi marquant la ligne de partage des eaux : d'un côté les cours d'eau filent vers l'Atlantique, de l'autre ils s'écoulent vers la Méditerranée. À quelques centaines de mètres de là, sur une colline, au bout d'une piste caillouteuse, s'élève un obélisque à la mémoire de Pierre-Paul Riquet, l'homme à l'origine du Canal du Midi, bâti entre 1666 et 1681.
Statue au seuil de Naurouze
Nous avons aussi changé de département, basculant dans l'Aude. L'état de la piste change aussi, mais pas en mieux. Bien au contraire, elle n'a plus grand chose de cyclable, s'apparentant plus à un sentier pédestre : de la terre battue sur trente centimètres de large, de l'herbe qui fouette les pieds à chaque tour de pédale.
Un peu plus loin, nous nous arrêtons pour visiter la poterie Not. Des plats de terre cuite conçus pour le cassoulet nous rappellent que nous arrivons dans le pays de ce plat typique du sud-ouest.
Après une triple écluse, la piste suit un ancien chemin de halage aujourd'hui bitumé pour nous mener à Castelnaudary, point final de notre étape du jour. Nous logeons à la chambre d'hôtes Aujuseb, un peu excentrée. La piscine nous permet de nous détendre un peu avant de partir visiter la ville et surtout manger un très bon cassoulet.
Samedi 4 juillet 2020 : Castelnaudary - Capendu (77 km)
C'est reparti pour une journée de vélo sous le soleil. Nous quittons Castelnaudary en contournant le Grand Bassin pour rejoindre la piste bordant le canal du Midi. Dès la quadruple écluse de Saint Roch, le revêtement est plutôt agréable à parcourir mais nous savons que nous ne devons pas trop nous réjouir, cette partie du parcours étant réputée pour être celle en plus mauvais état.
Pause à l'écluse du vivier
Les écluses s'enchaînent, souvent joliment fleuries. Les kilomètres, eux, défilent à bon train jusqu'au pont de Bram. Là, la piste devient plus chaotique et le rythme baisse. Par endroit, nous roulons sur un sentier pédestre de terre battue large de dix à vingt centimètres à peine. Parfois assez roulant, ce layon est le plus souvent "tape-cul". Nous évoluons entre roseaux et platanes accompagnés par le vol de grosses libellules bleues ou rouges. De temps à autre, nous croisons quelques cyclistes.
Peu avant Carcassonne, le sentier s'élargit et devient plus roulant. Nous entrons dans la ville peu avant la gare par une rue piétonne où des parapluies multicolores suspendus en l'air dansent dans le vent.
Carcassonne, la rue des parapluies
Comme bien des fois depuis notre départ, nous nous ravitaillons au marché avant de filer le long de l'Aude pour gagner la cité médiévale après une petite côte. Nous pique-niquons dans un petit parc à l'entrée des remparts. L'ombre de grands arbres est la bienvenue car il commence à faire chaud.
La cité médiévale de Carcassonne
Nous visitons la cité médiévale à pied, vélo à la main. Il y a du monde dans l'artère principale où l'alignement des boutiques à babioles "made in China" et de restaurants à touristes rappelle un peu le Mont-Saint-Michel, mais cela devient plus calme dès qu'on emprunte les ruelles latérales. La basilique Saint-Nazaire et Saint-Celse est un autre coup de coeur avec ses magnifiques vitraux.
Les vitraux de la basilique Saint-Nazaire et Saint-Celse
Après avoir regagné la gare, nous rattrapons la piste du canal. Rapidement, nous sortons de la ville alors que le revêtement se dégrade franchement au niveau de travaux de renforcement des berges. Il n'en reste pas moins que cheminer dans ce décor est très agréable.
Après Villedubert, l'état de la piste s'améliore. Le canal se faufile au milieu de côteaux couverts de vignes sous le chant des cigales. Il fait chaud, le soleil cogne et nous nous accordons une pause Orangina à Trèbes dans un café au bord du petit port.
Nous repartons, poussés par le fort vent d'ouest, et voici Marseillette où nous quittons la piste pour rejoindre Capendu à quelques kilomètres de là où nous attend la chambre d'hôtes "La Vigneronne". Une douche, une baignade dans la petite piscine à l'eau fraîche, et nous partons à pied faire le tour du village avant de manger un nouveau cassoulet au restaurant du coin.
Dimanche 5 juillet 2020 : Capendu - Capestang (70 km)
Nous partons plus tard que les autres jours, peu avant dix heures. Pas de grasse matinée dominicale, mais le petit-déjeuner dans cette chambre d'hôtes n'est pas servi avant neuf heures, un peu tard quand on voyage à vélo.
Il fait grand soleil et déjà chaud quand nous rattrapons le canal du Midi à Marseillette. Le chant des cigales nous accompagne tout le long du trajet, de même qu'une escorte de grosses libellules. Autre invité de la journée : le vent. De fortes rafales d'ouest, la tramontane, nous poussent généralement dans le dos, parfois de côté. Nous sommes heureux de ne pas les avoir en pleine face !
L'ombre est rare. Il n'y a plus le moindre platane sur cette portion du canal du fait de la maladie qui les a décimés. Ils ont été abattus et de jeunes arbres chétifs ont été plantés à la place.
À l'écluse de l'Aiguille, au niveau de Puichéric, nous faisons une halte pour admirer les sculptures de bric et de broc de l'éclusier. Inventif, il est très doué de ses mains pour faire vivre personnages et animaux avec des morceaux de ferraille.
Comme la veille, le sentier cyclable est dans un état parfois un peu limite. Étroit d'une quinzaine de centimètres à peine, il incite à la vigilance.
Argens-Minervois
Nous passons par quelques ports plutôt sympathiques, comme celui de Homps où nous nous ravitaillons à la petite épicerie pour ce midi. Plus loin, le château d'Argens-Minervois se laisse admirer sur sa colline de l'autre côté du canal.
Une portion sur la route du côté de Paraza permet de souffler un peu. Sur notre droite, au loin, nous apercevons les Pyrénées et la silhouette massive du Canigou. De retour sur le sentier, nous passons le pont-canal du Répudre, le premier construit sur le canal du Midi. Un arrêt pour faire quelques photos et manger des figues cueillies dans l'arbre, et nous voilà repartis avant de nous arrêter à nouveau quelques kilomètres plus loin pour pique-niquer à l'ombre d'un figuier à Ventenac-en-Minervois.
Avant de poursuivre sur le long du canal, nous montons faire un tour sur les hauteurs du bourg. Il n'y a quasiment personne, les ruelles sont désertes.
Ventenac-en-Minervois
Arrive le joli village du Somail. Avec son port et son pont de pierre, il attire les touristes. Nous ne nous attardons guère et poursuivons notre trajet, longeant régulièrement des vignes. Arrive la bifurcation des canaux : l'un file vers le sud et Port-la-Nouvelle, au-delà de Narbonne, l'autre rejoint Sète, notre destination. La passerelle de bois nous permet de rester en rive droite du canal du Midi, traçant notre route vers l'est à l'ombre des pins.
Après avoir traversé la route départementale 5, l'état du chemin devient franchement déplorable. Ornières, racines, bosses, herbes de quarante centimètres de haut qui nous lèchent les mollets, rien ne nous est épargné sur cette portion du parcours, sans parler des berges à la limite de l'effondrement. Nathalie tombe sans gravité, je me trouve à deux doigts de finir dans le canal. C'est dommage car le paysage est vraiment beau. La canal est loin d'être rectiligne par ici, formant courbes et boucles au milieu de vergers, de vignes et d'oliviers, avec la collégiale de Capestang en ligne de mire.
C'est d'ailleurs notre objectif de la journée. Nous logeons au gîte communal Lo Castel, dans l'ancien palais des archevêques de Narbonne. La grande classe. En plus, nous y sommes seuls ce soir, de véritables châtelains !
La collégiale Saint-Étienne de Capestang
Après l'habituelle douche et le ravitaillement à la supérette du village, nous sortons pour la visite de la collégiale avec un guide local. Avec passion, il nous narre l'histoire de l'édifice qui mêle roman et gothique. Nous montons dans le clocher pour bénéficier, à quarante-trois mètres de haut, d'une vue imprenable sur Narbonne et le Canigou, l'étang ayant donné son nom au village et le canal du Midi, anciennement nommé canal royal du Languedoc mais débaptisé à la Révolution Française.
Lundi 6 juillet 2020 : Capestang - Sète (90 km)
Nous quittons Capestang peu après huit heures, rejoignant aisément les berges du canal du Midi. Sans surprise, la piste est en très mauvais état, étroite, avec des ornières et des cailloux. Nous cheminons avec les vignes à nos côtés, mais la chaîne des Pyrénées, au sud, est cachée dans les nuages.
Bientôt arrive le tunnel de Malpas, creusé dans la roche pour laisser passer les bateaux. Juste au-dessus, une bonne petite montée permet de bénéficier d'un panorama sur l'étang de Montady depuis l'oppidum d'Ensérune. Cette cuvette asséchée avec ses champs en forme d'étroites parts de camembert convergeant vers son centre est une réelle curiosité.
L'étang de Montady
De retour le long du canal, passé le chateau de Colombiers, Béziers n'est plus très loin, nous accueillant par les écluses de Fonsérannes, une impressionnante échelle de neuf écluses permettant de franchir un dénivelé de vingt-et-un mètres.
De là, trouver la suite de la piste est un peu plus compliqué, surtout après le pont-canal sur l'Orb, mais nous débouchons sur une très agréable voie verte de près de quinze kilomètres. Malheureusement, plus loin cela se dégrade à nouveau et, aux ouvrages du Libron, des barrières nous obligent à retirer les sacoches pour passer.
Vias laissé de côté, nous arrivons non sans mal à Agde. Le balisage est mauvais, absent par endroit.
Nous pique-niquons dans un parc, le seul endroit offrant un peu d'ombre. À nouveau, du fait d'un balisage médiocre, il est difficile de retrouver son chemin dans la ville où nous faisons une boucle pour nous retrouver à notre point de départ. Nous finissons néanmoins par retrouver la piste cyclable et atteindre l'écluse de Bagnas, la soixante-troisième et dernière du canal du Midi. De là, la piste traverse la réserve naturelle de Bagnas, se faufilant au milieu des roseaux.
Le phare des Onglous sur l'étang de Thau
À un pont récent, la piste offre deux possibilités : rejoindre directement Sète ou faire le détour par Marseillan. Nous optons pour le détour : il nous faut voir le port des Onglous. Son phare marque le début ou la fin du canal du Midi qui aboutit là dans l'étang de Thau. Ne pas venir ici aurait donné un goût d'inachevé à notre voyage.
Demi-tour direction Marseillan Plage pour tirer nos derniers kilomètres jusqu'à Sète par une belle piste cyclable courant le long des plages. La Méditerranée est là, sur notre droite, d'un bleu profond. Nous sommes loin des eaux chargées de l'estuaire de la Garonne.
Sète, la Venise du Languedoc
À Sète, nous logeons au Georges Hostel, un sympathique concept entre auberge de jeunesse, petit hôtel et bar à jus de fruits, idéalement placé en centre-ville. Nous partons visiter la ville à pied, le long des canaux qui lui ont donné son surnom de Venise du Languedoc. Nous regrettons de ne pouvoir passer plus de temps ici, pour gravir le Mont Saint-Clair ou retourner sur les berges de l'étang de Thau, mais demain une longue journée de train nous attend : treize heures de trajet pour rejoindre Royan. Cela nous laissera le temps de rêver à ce joli périple à vélo qui s'achève ici sur les bords de la Méditerranée.